Je venais de finir ma chasse et allongée sur ma couche, je méditais. Dehors, le ciel était sombre et la lune me regardait, témoin silencieux de ma condition, elle est ma compagne pour l’éternité. Je me délecte encore de ce que j’ai obtenu cette nuit, cela faisait quand même quatre jours que je suivais cet étudiant, l’effrayant à la moindre occasion; c’est fou ce que l’adrénaline rend le sang exquis. Je l’avais empoigné et j’avais senti cette angoisse, cette peur de mourir qui le tenaillaient jusqu’à ce que son cœur se ralentisse doucement, à tout jamais. Perdue dans mes pensées, je n’ai pas remarqué le plan pernicieux que le soleil venait de mettre au point; tournant les yeux vers la fenêtre, je vis alors quelque chose que je n’avais encore jamais vu. Doucement le ciel avait commencé à prendre une teinte violacée. J’observais ce ballet de couleurs, ce jeu que faisaient les nuages, offrant une touche bleu-marine à un fond de plus en plus clair s’étirant du violet au bleu. Au fond de moi, une alarme résonnait, c’est le soleil, je dois me cacher, ne pas me laisser détruire mais cette explosion de couleurs exacerbée par mes sens m’offrait quelque chose d’exceptionnellement beau. Le violet prit alors une douce teinte rose m’offrant dans le ciel toutes les nuances de peau et de chair, comme un cadeau empoisonné destiné à troubler ceux de notre condition. Je me savais en danger imminent mais la volonté d’observer ce spectacle me tenaillait. Je voulais aller jusqu’au bout ne pouvant détacher mon regard de cette merveille. Mes sens étaient en éveil, ils ne faisaient plus qu’un avec ce vil soleil qui voulait me prendre, avec autant de facilité que je tuais mes victimes, il m’ensorcelait. Le rose laissa alors place à un rouge vif, un rouge sang, je sentis mon corps frissonner, tout mon être voulait continuer à observer ce spectacle, quitte à ce que ce soit le dernier de mon existence. Ma respiration s’accélérait doucement, j’attendais ce moment, et si la mort ressemblait à la jouissance. Le rouge devint plus prononcé, plus agressif, il me dominait, je compris alors ce que ressentaient mes victimes, je pris alors conscience de la délectation que l’astre pouvait avoir en me voyant ainsi à sa merci. La douceur et la fascination se transformèrent doucement en douleur, le soleil venait. Mes yeux me brûlaient me faisant pleurer malgré moi, ma respiration était haletante, je me sentis trembler. Soudain, le maléfice fut rompu, comme on brise une chaîne, je refermai violemment le couvercle de mon cercueil, puisant doucement la fraîcheur de l’obscurité. Il était moins une et je le savais, le spectacle fut magnifique, même s’il a bien failli me voler ma vie.